Comment améliorer la résilience de mes prairies face aux changements climatiques ? Patrice Pierre, ingénieur spécialiste des prairies à l’Institut de l’élevage, Idele, explique les différents leviers pour allonger le pâturage en été et maximiser l'utilisation de l'herbe en automne et en hiver. Ces stratégies permettent de mieux gérer les périodes de sécheresse et de maintenir la productivité de ses prairies.
Patrice Pierre : Depuis un certain nombre d'années, les sécheresses estivales récurrentes fragilisent les couverts dans les prairies. En 2024, cela a été un peu différent avec des pluies régulières, mais généralement, le surpâturage pendant l'été dégrade le couvert et accélère le vieillissement des prairies. Des espèces à racines superficielles comme le ray-grass anglais en souffrent particulièrement. En pratique, cela peut pousser les éleveurs à arrêter le pâturage tournant et à concentrer les animaux sur une seule parcelle, tout en maintenant un affourragement parallèle. Si le pâturage est maintenu, il faut éviter des sorties trop rases pour permettre aux plantes de remobiliser leurs réserves lorsque les conditions climatiques s'améliorent. L’éleveur doit chercher à préserver le potentiel des prairies tout en allongeant le pâturage.
Patrice Pierre : Il existe plusieurs solutions. En élevage herbager, on peut laisser les animaux consommer l'herbe accumulée avant la sécheresse, souvent en juin, après les coupes ou le pâturage. Pour maintenir une bonne qualité du fourrage, il est essentiel d'avoir un bon taux de légumineuses dans la parcelle, le trèfle blanc étant particulièrement adapté.
Le deuxième levier, c'est d'utiliser les prairies humides qui sont difficiles à gérer au printemps en raison de l'engorgement des sols. Ces prairies peuvent offrir des repousses durant l'été, prolongeant ainsi le pâturage.
Certaines légumineuses, comme la luzerne, ont une bonne capacité de repousse en été, ce qui les rend particulièrement utiles. Pour les fermes avec peu de surface, comme notre ferme expérimentale, nous recherchons des couverts capables de pousser en été, comme les plantes en C4 telles que les sorghos multicoupes. Le sorgho est intéressant car il permet de pratiquer plusieurs cycles de repousse en pâturage tournant. Toutefois, il faut le réserver à des animaux avec des besoins modérés, car ces plantes n'ont pas les mêmes qualités alimentaires que les graminées classiques.
Certaines espèces comme le dactyle ou la fétuque élevée sont également très adaptées à la croissance estivale et permettent d'allonger la période de pâturage.
Patrice Pierre : Il est essentiel de penser à l'optimisation du pâturage sur l'ensemble de l'année. En maximisant l'utilisation de l'herbe d'automne et d'hiver, il est possible de compenser le déficit de production estivale en valorisant les repousses automnale et hivernale. Le pâturage hivernal nécessite une attention particulière au piétinement. Il faut agrandir les paddocks pour diluer le chargement instantané des animaux. L'herbe d'automne et d'hiver, riche en azote et en énergie, est une ressource précieuse pour la croissance animale. Les travaux récents montrent que nous pouvons obtenir 1,5 t de MS/ha durant cette période en utilisant un pâturage tournant simplifié. Pour les systèmes laitiers, différentes catégories animales peuvent valoriser cette repousse (vache laitières, génisses), ce qui permet de réaliser des économies sur les stocks hivernaux.
Patrice Pierre : En cas d'excès d'eau, comme ce fût le cas cette année, il faut être opportuniste. Il faut prendre l'herbe quand elle est là et parfois, les animaux doivent revenir temporairement au bâtiment. Pour éviter un piétinement excessif, il est préférable de diluer les animaux sur des surfaces plus grandes. L'herbe d'automne et d'hiver est particulièrement intéressante car elle permet de réaliser des économies sur les stocks hivernaux en la pâturant directement.