Le début de campagne s’avère compliqué pour les pommes de terre. Les conditions climatiques ont perturbé les chantiers d’implantation, mettant à mal la germination des tubercules. Aujourd’hui, les stades des cultures sont très hétérogènes avec déjà, quelques inquiétudes pour la récolte et sa valorisation. Le point avec Damien Brasseur, coordinateur technique pour la région Nord chez Corteva.
« En règle générale, les plantations de pommes de terre démarrent fin mars et se terminent courant avril, explique Damien Brasseur, coordinateur technique pour la région Nord chez Corteva. Cette année ne ressemble à aucune autre ! Quelques chantiers ont bien eu lieu dans les temps, mais ils sont finalement peu nombreux. Le retour des pluies sur le mois d’avril a retardé les implantations. Car les pommes de terre apprécient un sol bien ressuyé et finement travaillé. Au vu du retard dans le calendrier, certaines plantations se sont réalisées dans des parcelles partiellement ressuyées compliquant certainement les chantiers de récolte à terme. Après la pluie, c’est le sec qui a contrecarré les prévisions des agriculteurs. Au final, les derniers chantiers se sont achevés fin mai. »
Ce décalage de calendrier n’est pas sans conséquence sur la croissance des tubercules et sur la physionomie des parcelles. « L’hétérogénéité des stades a rarement été aussi importante, constate-t-il. Les agriculteurs qui avaient réceptionné leurs plants à temps, ont été contraints de manipuler les lots à plusieurs reprises pour casser les germes. En effet, s’ils sont trop longs, le plant ne peut plus passer dans la planteuse ! Or, cette initiation successive de germes épuise les réserves des tubercules et par conséquent, fait perdre de la vigueur aux plants. Résultat : certains ont des vigueurs réduites, voire n’ont pas réussi à percer la butte ! Les stades s’échelonnent aujourd’hui du stade « pointant » à 30 cm. » Un étalement des stades au sein d’une même parcelle nécessitera d’allonger la durée de protection fongicide des cultures pour couvrir l’ensemble des stades végétatifs de la culture. « Il pourra également s’avérer intéressant de « soigner » la culture par une nutrition biostimulante pour ne pas additionner les mauvaises déconvenues », poursuit-il.
Mais ce n’est pas tout ! Pour Damien Brasseur, ce manque d’homogénéité devrait impacter la valorisation des lots. « Une divergence de pousse implique des calibres de taille différente, reconnaît-il. Or, pour la production de plants par exemple, ce qui compte c’est l’homogénéité et la régularité des tubercules. En revanche, pour ce débouché, un cycle plus court aura moins d’impact car les petits tubercules peuvent être valorisés. Contrairement au débouché conso où l’enjeu est d’atteindre un rendement très élevé : ce qui s’avère compliqué avec les tubercules affichant déjà un fort retard de croissance. »
Autre conséquence des manques à la levée : la gestion du désherbage. La nature ayant horreur du vide, les adventices devraient venir coloniser les buttes où les plants n’ont pas germé. Et ce, d’autant que la sécheresse a pu perturber l’efficacité des herbicides de pré-levée, à action racinaire. « Les chantiers de récolte pourraient, eux aussi, être impactés par ce début de campagne compliqué, pronostique Damien Brasseur. Une implantation dans de bonnes conditions facilite en général la récolte ! Une année atypique, bousculée par des conditions défavorables… Rares sont les situations où ces travaux ont été réalisés dans un contexte adapté. Les hétérogénéités au sein des parcelles laissent présager une incertitude sur l’aspect qualitatif et quantitatif de la production…» À suivre.