Avec l’arrêt de plusieurs insecticides efficaces contre les méligèthes et le développement de résistances aux principales pyréthrinoides, peu de solutions chimiques sont aujourd’hui disponibles pour contrer ces ravageurs. Les méthodes de lutte alternatives gagnent en intérêt. La plus connue est l’association de la variété principale, avec une variété très précoce. D’autres pistes sont également étudiées.
Avec la disparition de plusieurs insecticides autorisés contre les méligèthes du colza, la lutte contre ce ravageur au printemps se complique. D’autant que, parmi les solutions chimiques encore disponibles, les produits à base de phosmet et d’indoxacarbe sont dans leur dernière année d’autorisation. Les pyréthrinoïdes sont, elles, toujours autorisées, mais les méligèthes ont développé, depuis des années, des résistances à la plupart d’entre elles. Seules deux substances actives de cette famille chimique, le tau-fluvalinate et l’étofenprox, conservent leur efficacité contre ces insectes.
« Des collègues suisses ont travaillé sur des produits de biocontrôle contre les méligèthes, annonce Maxime Hervé de l’Université Rennes 1. Ils ont notamment étudié l’intérêt des huiles essentielles mais ces produits peuvent coûter cher pour les producteurs. » En Suisse, la kaolinite est autorisée contre les méligèthes à 20 kg/ha. Terres Inovia l’a testée en France et note des résultats intéressants quatre à six jours après son application. L’institut technique s’est également intéressé à d’autres produits de biocontrôle contre les méligèthes, notamment un champignon entomopathogène, et au bore.
En attendant plus de références, il faut se tourner vers les méthodes alternatives de lutte. La plus connue est l’utilisation d’une variété de colza piège qui concentre les attaques de méligèthes préservant ainsi la culture principale. Les méligèthes préfèrent le colza en fleur car le pollen est alors facile à consommer pour eux. Et à ce stade, ils ne sont alors plus nuisibles. Comme la variété précoce fleurit plus tôt, elle attire les méligèthes lorsque la variété principale est encore à un stade sensible. En pratique, il s’agit donc de mélanger 5 à 10 % d’une variété de colza plus haute et plus précoce, comme ES Alicia de Lidéa, ou Troubadour de RAGT, à sa variété de colza d’intérêt. Attention, le fait d’implanter une variété très précoce ne dispense pas de surveiller ses parcelles car, en cas de forte pression méligèthes, les plantes pièges ne sont pas toujours suffisantes.
Comme contre les ravageurs d’automne, il est aussi intéressant de disposer de colzas bien implantés et robustes pour se préserver des méligèthes. « Un colza sain et vigoureux supporte mieux les attaques, souligne Terres Inovia. Au stade E, boutons séparés, un colza vigoureux tolère la présence de 6 à 9 individus par plante (4 à 6 dans les régions sud) alors que, si le colza est peu vigoureux, stressé ou en situation contrainte, le seuil d’intervention est abaissé à 2-3 méligèthes par plante ou 65 à 75 % de plantes infestées. » Plus la culture est robuste et saine, plus elle disposera de capacités de compensation. Pour obtenir un colza robuste à l’automne, plusieurs leviers peuvent être actionnés : une date de semis précoce et proche d’un épisode pluvieux, un lit de semences bien préparé, une stratégie de fertilisation NP adaptée, et l’association avec des légumineuses gélives.
Les auxiliaires des cultures sont aussi des alliés à ne pas négliger dans la lutte contre les méligèthes. « Les populations de méligèthes peuvent être contrôlées par des prédateurs généralistes comme les carabes, les staphylins ou les araignées, expliquent les partenaires du projet Arena-Auximore, notamment durant leur phase de nymphose au sol. Les larves de méligèthes peuvent également être touchées par de nombreux hyménoptères parasitoïdes tels que Tersilochus heterocerus ou Phradis morionellus. Les taux de parasitisme sont très variables d’une parcelle à une autre mais en moyenne, de l’ordre de 50 %. En France, des taux de plus de 90 % ont déjà été observés ces dernières années. » Ils font aussi référence à des études qui ont montré des taux de mortalité considérables, de 42 à 72 %, du fait de la présence de certains nématodes parasitoïdes du genre Steinernema et Heterorhabditis. De même, des champignons comme Beauveria bassiana et Metarhizium anisopliae, infectent les méligèthes et engendrent des taux de mortalité d’environ 50 % durant l’hiver.
« Les méligèthes ont de nombreux ennemis naturels qui interviennent au stade larvaire, donc après les dégâts, reconnaissent les responsables du programme. Mais ils évitent une partie des pullulations les années suivantes. » Pour favoriser les auxiliaires, il est conseillé de respecter les seuils d’intervention et de raisonner les traitements insecticides, de ne pas traiter pendant la journée, de préserver les zones refuges, bords de champs, haies… et de limiter le travail du sol après un colza.
« Lorsque j’ai préparé ma thèse en 2016, nous avions mis en évidence des différences de sensibilité des variétés de colza aux attaques de méligèthes, remarque Maxime Hervé de l’Université Rennes 1. Depuis, je me suis rendu compte que si effectivement il existait des différences entre variétés, leur tolérance n’était pas suffisante. Certaines pouvaient être considérées comme sensibles et d’autres très sensibles. » Il s’est tourné vers d’autres crucifères, en particulier, la moutarde blanche. « Elle présente une résistance naturelle aux méligèthes qui pourrait être exploitée sur le plan génétique, indique-t-il. Nous voulons comprendre pourquoi elle est moins sensible à ce ravageur. S’il s’agit de l’action d’une molécule bien précise, on cherchera cette molécule dans le colza, et, si elle est présente, comment faire en sorte que le colza en produise plus. Si c’est autre chose, on pourra essayer de croiser le colza avec la moutarde blanche et introduire dans le colza, les gènes qui confèrent à la moutarde blanche cette résistance. Il s’agit là bien sûr d’investigations à long terme. »